Vers une écologie de la prise de décision

La décision est un sujet central en entreprise. Déterminer des objectifs et les réaliser est une étape incontournable pour qui développe un projet, mène une équipe, manage une business unit, crée ou dirige une entreprise.
Mais il est parfois difficile faire des choix, prendre une option, se positionner, opter pour une solution, donner son avis, arbitrer, trancher, dire non, dire oui, renoncer, s’engager, assumer…
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’autorité dans les organisations pose problème lorsqu’il n’y en a pas assez, plus rarement lorsqu’il y en a trop. On assiste trop souvent à un défaut de décision : nous reportons dans le temps ou reportons la responsabilité de la décision sur une autre personne… Nos manquements en matière de décision freinent, bloquent et tétanisent les entreprises.

Et pourtant, nous décidons à tout moment, y compris lorsque nous décidons de ne pas décider. Chacun d’entre nous, en poste ou dans nos vies personnelles, tour à tour dirigeant, manager, exécutant, nous n’en sommes pas moins décideur et acteur. De fait, c’est un sujet récurrent en coaching, pour lequel la prise de décision s’avère être un objectif fréquent pour un parcours de coaching.

Quelques éléments fondateurs de la décision :

Nous ne connaissons pas à l’avance les conséquences de nos décisions. Une « petite » décision peut avoir un effet majeur et même fatal. Dans Le cygne noir, Nassim Nicholas Taleb décrit ces événements improbables qui, s’ils arrivent, ont une conséquence sur nos vies : en positif ou en négatif. Ainsi, la dinde accourant pour son diner en voyant le maitre des lieux entrer dans l’enclos l’avant veille de Thanks Giving est loin de se douter qu’il ne vient pas pour les mêmes raisons que les jours précédents (apporter le souper) mais qu’il a un autre projet en tête. A l’inverse, une « grande » décision peut s’avérer « un effet d’annonce non suivi d’effet ».
Ainsi la prise de décision se fait toujours dans l’incertitude… en terres inconnues au moins partiellement, en terrain connu, oui mais partiellement. Même si prendre une décision permet légitimement de penser que l’on impacte et oriente le réel, nous créons par là-même d’autres zones d’incertitudes, nous engendrons du certain et de l’incertain.

Il est impossible de ne pas décider. Quand je ne décide pas, je décide de ne pas décider, et de fait, les choix se font sans moi. Comme le dit Bruno Jarrosson dans ses conférences et ouvrages sur la décision, « ce n’est alors pas moi qui prend la décision, c’est la décision qui me prend. La seule décision que nous ne prenons pas c’est celle de prendre des décisions ». Ainsi l’inverse de la décision est une décision.

Savons-nous ce qui se joue en nous à l’heure de décider et d’agir ?
Cependant, alors que l’on est contraint de décider, nous sommes liés par un autre type de force, prisonniers de nos propres fonctionnements : nos choix et nos agissements sont guidés par des scénarios et des croyances inconscientes que nous avons intégrées et que nous ne questionnons généralement pas. Mony Elkaim (Vivre en couple et Comment survivre à sa propre famille) distingue le « programme officiel » du client (sa demande) et sa « croyance profonde », souvent en opposition avec sa demande et qui l’empêche d’atteindre son objectif. Andreu Solé dans Créateurs de mondes décrit la « boite noire du dirigeant » comme l’ensemble de ses possibles et de ses impossibles, constitutifs du monde qu’il se crée et des décisions qu’il prend.
Croire que nous décidons librement sans pression aucune ou que nous ne sommes contraints que par des limites externes est un leurre. Cela revient à nous soumettre à nos croyances et leur laisser la main. Scénarios et croyances personnelles imprègnent nos modes de penser et de faire.

Dès lors, comment redonner de la liberté à nos prises de décisions ?
Un premier pas est de prendre conscience que nous sommes sous le joug de schémas mentaux, scénarios personnels et croyances à l’heure de décider et d’agir. Un deuxième pas est d’observer et repérer en nous ces schémas mentaux. Un troisième pas est de prendre en considération ces schémas et de décider en pleine conscience de les garder ou pas. S’observer, repérer, intégrer : ce sont les 3 étapes d’un processus de décision écologique *.

Décider pour agir
Enfin, « agir » est l’autre versant de la décision : si l’on ne met pas en œuvre sa décision cela revient à décider de ne pas la prendre. Ainsi décider c’est aussi mettre en œuvre sa décision et assumer les conséquences de sa décision. Agir comme but de la décision : cela sera l’objet d’un prochain écrit.

Et vous : quelles stratégies personnelles guident vos choix lorsque vous décidez, guident vos comportements lorsque vous agissez ? Quelles protections et quels risques prenez-vous à l’heure de fixer des objectifs et de les réaliser ? Quelles libertés posez-vous pour avancer ?

* J’anime un atelier sur l’écologie de la décision : Décider et agir, quelles libertés posons-nous ?
L’intervention se déroule sous forme de jeu, décrypté en mode coaching. Les participants s’entrainent à déterminer des objectifs réalistes et à les réaliser. Les mises en situations et les échanges qui suivent confrontent chacun à son ambition, à ses possibles et ses impossibles, et plus généralement à ses schémas mentaux inconscients : libertés, limites, choix de confort, de sécurité, prises de risque, dynamique de réussite ou d’échec. Il donne des clefs à chacun pour décider de renforcer ou modifier ses propres fonctionnements.

Virginie Mandaroux
Novembre 2018

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