« Méfiez-vous de la première impression que vous avez de quelqu’un, cela pourrait bien être la bonne. »
Et si la première impression était la bonne ? Cela chamboulerait quelque peu les idées communément admises qui affirment que les apparences sont assurément trompeuses : « Ne vous fiez pas aux apparences », « L’habit ne fait pas le moine ». Assurément ? Tout dépend de votre capacité à voir les apparences !
Entre deux représentations de l’apparence mon cœur balance. Il est une troisième voix qui consiste à se prêter au jeu des premières impressions : les envisager tout à la fois comme trompeuses et sérieuses, superficielles et pertinentes.
La phrase attribuée à Talleyrand « Méfiez-vous de la première impression que vous avez de quelqu’un, cela pourrait bien être la bonne » prend alors tout son sens.
Il est des choses qui se donnent à voir d’emblée, il est des apparences qui en disent long sur l’être.
Des détails infimes émanent de la personne, étonnent, réconfortent, alertent. Certes, il serait ridicule de se fier aux codes artificiels pour percer le secret d’une personne. Une tenue vestimentaire, un jargon, un style professionnel. Quoique… C’est par l’environnement, et ses attributs, dans lequel elle évolue que la personne est et apparaît : elle est l’environnement qu’elle choisit, qui la choisit, l’environnement qui la construit, qu’elle construit en retour. La personne est aussi dans, et par, les écarts qu’elle entretient avec son environnement. Elle est et apparaît (à part est).
Dans cette immédiateté de ce qui se donne à voir, s’opère une synthèse entre le visible et l’invisible, le présent et l’advenir, le plaisir d’apparaître et le désir d’être. L’apparence saisit, frappe, fragilise, endort, berce notre esprit (critique) : sous l’apparence apparait ce qui est*. Les micro-faits parlent de ce qui sera, peut-être, se comportent et se portent garants d’un futur à venir.
Le visible immédiat est le média le plus sûr de l’invisible.
Le visible immédiat, contre lequel on tente de lutter par civilisation, se révèle ainsi être une précieuse source d’informations pour l’intuition. Les actes, agissements, gestes construisent déjà l’expérience que l’on a de la personne et forgent la relation que l’on entame avec elle. Le visible immédiat est le média le plus sûr de l’invisible de l’être.
La méfiance s’impose : on ne se méfie pas assez des idées reçues.
« L’habit ne fait pas le moine mais il aide à rentrer dans l’abbaye. » répliqueront certains. Ce qui est équivalent. Nul n’est question d’habit. Et en même temps, il n’est question que de cela. C’est justement parce que l’habit aide à rentrer dans l’abbaye qu’il fait le moine autant qu’il le défait. C’est dans le choix et l’acte de s’habiller que le moine se construit mais aussi qu’il est mis à nu.
Le moine y croit, il n’y croit pas. Vous y croyez, vous n’y croyez pas. Entre ces alternatives se crée l’existence des hommes et des relations. Les parcours se créent aussi sur des malentendus. Entre deux apparences, la réalité se construit. En dépit des idées communément admises, la première impression comporte une part de vrai. Prêtez-y attention !
Méprise – mépris
Se méprendre sur une première impression, c’est se défier de soi.
Pour que les apparences nous éconduisent il faut être complice. Une complicité qui sonne comme un accord avec la personne perçue. La méprise est à son comble car elle opère dans le mépris. Le mépris pour l’évidence et pour son propre jugement. Quand la méprise agit envers l’autre, le mépris agit envers soi. In fine il est toujours question de soi pour soi, mais à travers l’autre et avec sa complicité.
Une invitation à faire confiance
« Méfiez-vous de la première impression que vous avez de quelqu’un, cela pourrait bien être la bonne » invite chacun d’entre nous à faire confiance et à se faire confiance.
Faire confiance à son propre jugement, prendre conscience de son intuition et lui faire confiance. Non pas une confiance aveugle, qui ne questionne pas. Non, juste prendre ce que l’on ressent comme argent comptant : lui accorder de la valeur et s’en servir. C’est une invitation à se faire confiance : observer ce qui est touché chez soi, car il se pourrait bien que cela corresponde à ce qui est touché chez l’autre. Les inconscients dialoguent avant que les êtres ne se parlent.
C’est aussi une invitation à faire confiance : accorder sa confiance à l’autre, à ce qu’il donne à voir malgré lui. Accorder du crédit plutôt que de la défiance. « I trust everyone once » nous disent savamment les Anglais. Cette limite du « une seule fois » (once) est en fait une invitation à l’ouverture.
On a une seule occasion de faire une première bonne impression !
Première impression reçue, première impression donnée. Toutes ces dimensions, confiance-méfiance, intuition-certitudes, visible-invisible, apparence-être, humilité-posture peuvent être travaillées en coaching. Saisir l’insaisissable… Appréhender son impact… Avoir une impression… Faire impression…
Le boulot du coach est de renvoyer ces indices au client. Au delà du discours, au delà des paroles, aussi par le discours et par les paroles, car les paroles sont des actes que l’on pose, qui nous posent et que l’on oppose à autrui comme tout autre acte.
En prendre conscience, s’affirmer dans ses actes, ou s’en défaire. Tel est aussi un programme pour un coaching.
* Sous l’apparence apparait ce qui est : « la-parence » pour « père-maître » ce qui est.
Virginie Mandaroux
30 juin 2014